Le « Tycheion » (plan général 7) est un bâtiment de 21,20 m x 19,40 m situé au cœur symbolique de la cité, à l’intersection de ses espaces civils (agora) et religieux (accès au temenos du temple de Zeus Bêlos). Une inscription retrouvée en 1937 près de son éboulement oriental suggère d’y voir un monument religieux honorant la Tyché de la ville, ce que ni la typologie du monument ni sa situation topographique ne confirment. De fait, la présence de fenêtres sur trois de ses façades en fait un unicum architectural et l’isole des types connus de sanctuaires syriens. La présence de banquettes, signalées avant-guerre par l’architecte H. Lacoste mais invisibles en l’état, orienterait vers un odéon ou un bouleuterion/ curie. Afin d’éclaircir la fonction de cet édifice majeur du centre civique d’Apamée, la fouille du « Tycheion » et de ses abords a repris en 2009, à la suite de travaux réalisés par la Mission archéologique belge d’Apamée de Syrie sur ce même monument entre 2000 et 2004 et dans les années 1930.

La fouille a porté en 2009 sur l’angle sud-ouest de la cour située en façade orientale du monument, à l’ouest de la grande colonnade. Deux sondages contigus ont été ouverts du côté sud de l’esplanade, sur toute la largeur du portique. Un premier sondage a permis d’identifier une tranchée de vérification de l’état des fondations d’un monument plus ancien, à l’occasion de la reconstruction de l’édifice et du quartier tout entier (agora et grande colonnade), vers le milieu du IIe siècle de notre ère. L’ensemble du secteur occidental de la cour était recouvert de larges dalles et doté de bassins. Les témoignages d’époque byzantine sont limités dans ce secteur à des travaux de curage des canalisations d’époque romaine, justifiant la destruction partielle de portions de dallage. Le secteur fut occupé à l’époque abbasside par des structures légères, dont divers sols ont été identifiés, en particulier dans le secteur oriental de la cour (sondage G).

Un autre sondage, ouvert sur toute la largeur du portique oriental de l’agora entre la façade occidentale du « Tycheion » et le stylobate du portique, a mis au jour un massif maçonné d’environ 1,30 m de large, de direction Nord-Sud, traversant l’entièreté du sondage. Il apparaît donc que le « Tycheion » a été fondé au Ier siècle ap. J.-C. à proximité d’une structure massive qui lui est antérieure et dont il a respecté l’orientation. Dans la mesure où l’ordre des pilastres et des fenêtres de la partie supérieure de la façade occidentale du « Tycheion » ne respecte pas le rythme des niches du soubassement inférieur, on est tenté de considérer que ces deux parties de l’élévation relèvent de programmes architecturaux distincts.

Trois sondages contigus (K2, K3, K4) ont également été ouverts dans la cour nord du « Tycheion  contre un imposant mur de direction Nord-Sud qui était destiné à recevoir la couverture du portique oriental de l’agora et nous livrent un premier phasage général du secteur. Si les niveaux d’époque romaine ne nous sont pas encore connus - qu’ils aient été perturbés par les occupations ultérieures ou qu’ils n’aient pas encore été atteints -, une phase de réaménagement datée de la fin du IVe ou du Ve siècle est attestée dans l’ensemble de la zone. Elle semble faire suite à une destruction majeure ayant affecté en particulier le mur (ou la base de stylobate ?) construit 3,30 m à l’est de la limite séparant l’agora de notre cour. L’organisation générale du complexe mis au jour remonte probablement à cette date, peut-être déjà articulée autour de la cour pavée de dalles de terre cuite découverte dans le secteur (K3). Des sols du VIe siècle suivis par la pose de dallages grossiers témoignent de l’occupation continue du secteur durant les époques omeyyade et abbasside.