De 1928 à 1938
Accueil / Les fouilles  /  De 1928 à 1938
La première exploration archéologique du site eut lieu à l’initiative de Franz Cumont, qui au retour de ses missions à Doura-Europos sur l’Euphrate en 1922 et 1923, avait eu l’occasion de parcourir les ruines d’Apamée et avait été frappé par leur étendue et leur conservation. En 1928, le savant belge convainc la Belgique et le Fonds national de la recherche scientifique tout récemment créé d’y conduire des missions régulières qui se firent sous la direction de Fernand Mayence, professeur à Louvain et conservateur aux Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles.

Un subside du Fonds national de la recherche scientifique permit de réaliser une première campagne d’évaluation en 1928. Un Comité des fouilles vit le jour, présidé par Henri Pirenne et auquel les Souverains accordèrent leur haut patronage. En 1930, un permis de fouille de six ans est accordé à la Belgique et, grâce à un financement du Fonds national de la recherche scientifique et des Musées royaux d’Art et d’Histoire, une première saison de fouille fut organisée en automne de cette même année. Sept campagnes furent conduites entre 1930 et 1938 avec deux interruptions en 1933 et 1936 suite à des difficultés budgétaires.

Dès la première campagne, Fernand Mayence, conscient de l’importance de la dimension architecturale des recherches à Apamée, s’adjoint l’aide de Henry Lacoste, architecte et professeur à l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles. Lacoste et Mayence réaliseront quatre campagnes conjointes, en 1930, 1931, 1935 et 1937. L’état de santé de Mayence ne lui permettra pas de prendre part à la dernière campagne de 1938 qui se fera sous la direction de Henry Lacoste et de Franz De Ruyt pour la partie archéologique.

Dès le début des travaux, Mayence et Lacoste s’attachèrent à relever un plan de la ville. Un premier plan topographique au 1 : 2000e fut réalisé avec le concours de l’Administration du cadastre de Syrie et servit de base à Lacoste pour l’exécution d’un plan au 1 : 200e et sur lequel le détail des différents bâtiments fouillés fut reporté

Après avoir relevé le tracé du rempart et déterminé le quadrillage principal de la ville ainsi que ses grandes artères, différents points de la Grande Colonnade furent dégagés dès la première campagne de 1930. Il s’agit notamment d’une des colonnes monumentales situées aux deux carrefours importants de la Grande Colonnade, des arcs latéraux au croisement avec la rue à portiques menant au théâtre et du « pilier bacchique » ainsi que d’un grand sarcophage en pierre. Certaines portions des portiques de la Grande Colonnade furent également fouillées, comme le tronçon aux colonnes torses qui fait face à l’agora et au “Tycheion” dont le moulage de quelques colonnes permit une reconstitution aux Musées royaux d’Art et d’Histoire.

C’est lors de la fouille d’une autre portion de la colonnade, au sud du croisement avec le decumanus sud, que fut dégagé en 1932, 1934 et 1938, un long pavement de mosaïques dont certains panneaux furent ramenés aux Musées royaux d’Art et d’Histoire, grâce au généreux partage avec le gouvernement syrien. Sur un tapis s’étendant sur toute la longueur d’un îlot se succèdent des scènes de poursuite et de combat d’animaux (visible aux Musées royaux d’Art et d’Histoire), une caravane de dromadaires (conservée au Musée archéologique de Damas) et la célèbre représentation d’une noria (conservée au Musée archéologique de Hama). Une inscription découverte en 1938 à l’extrémité nord du portique permet de dater l’ensemble de 469 de notre ère.

Les travaux se concentrèrent également dès 1930 sur différents édifices situés à proximité de la colonnade. Les fouilleurs relevèrent ainsi le plan de l’agora dont le mur de fond oriental percé de fenêtres était encore apparent ainsi que, lors de la deuxième campagne en 1931, le plan d’un édifice circulaire, bâti autour d’une cour de 24 m de diamètre, qui sera identifié ultérieurement comme un marché. Plus au sud, on dégagea en 1934 et 1935 un édifice construit sur plan d’atrium, reconnu par la suite comme une latrine. Les fouilles se sont aussi portées sur un vaste monument situé juste à l’est de l’agora et dont l’importance des vestiges avait frappé les fouilleurs dès la première campagne de 1930. Lors du dégagement de l’écroulement de la façade orientale de cet édifice, un bloc monumental orné d’un Atlante agenouillé fut mis au jour, aujourd’hui aux Musées royaux d’Art et d’Histoire, ainsi qu’une inscription mentionnant l’existence d’un Tycheion (IGLS IV, 1317), incitant à identifier ce dernier comme un temple de la Tychè. Les fouilles reprises à partir de 2000 tendent toutefois à démontrer que ce monument n’avait plus cette fonction première dans ses dernières phases d’occupation.

Des sondages ont également été conduits dans différents points de la ville. Au sud-est, deux campagnes de fouilles (1934 et 1937) livrèrent les vestiges d’une église plusieurs fois remaniée et construite sur la salle centrale d’une synagogue antérieure pavée de mosaïques portant des inscriptions (visibles aux Musées royaux d’Art et d’Histoire). Au sud de la rue à portiques menant au théâtre, c’est un vaste édifice chrétien de plan centré (la « Cathédrale de l’est ») qui fut mis au jour entre 1931 et 1938, lui-même construit sur un bâtiment antérieur qui livra de riches mosaïques. Un panneau représente un groupe de danseuses, les “Thérapénides”, sur un autre figure Socrate et les Sages de la Grèce (conservé au musée du site de Qal‘at al-Mudiq) et sur un troisième, une allégorie de la Beauté.
Lors des campagnes de 1935 et 1937, des sondages pratiqués à l’ouest de la cathédrale révélèrent plusieurs pièces du vaste édifice dit “au triclinos” et permirent la découverte de la magnifique mosaïque de chasse qui ornait l’une des salles de réception à abside. Cette mosaïque est aujourd’hui visible aux Musées royaux d’Art et d’Histoire.

L’exploration de l’îlot sud-ouest du carrefour entre les deux grands axes de la ville amena aussi les fouilleurs à découvrir un bâtiment de plan en partie circulaire, interprété alors comme un ensemble balnéaire de thermes et de palestre avant qu’il ne soit identifié comme une église lors de la reprise de la fouille de cet édifice en 1968. C’est au cours d’un sondage réalisé dans ce même îlot en 1937 qu’apparut une stèle hiéroglyphique hittite datée du IXe siècle av. J.-C.

Mayence et Lacoste avaient par ailleurs pu repérer le tracé de l’aqueduc sur base d’une photographie aérienne. Des sondages menés durant la première campagne révélèrent les larges piles carrées qui servaient à supporter les arcs de l’aqueduc dont le canal était d’ailleurs bien préservé par endroits. Par ailleurs, un plan du théâtre fut relevé en 1937 et 1938 et les premiers rangs de la cavea et des murs de scène furent dégagés, alors que des investigations à l’extérieur de la ville, mirent au jour en 1937 quelques vestiges de la nécropole nord de la ville ainsi qu’une basilique extra-muros

La deuxième guerre mondiale vit la fin des recherches à Apamée et causa également la perte d’une très grande partie des archives de la mission ; pratiquement l’ensemble des carnets de fouille avec l’inventaire des trouvailles et les manuscrits des futures publications disparurent dans l’incendie des halles universitaires de Louvain en 1944. La malchance s’acharna sur la mission car, en 1946, un incendie désastreux ravagea l’aile de l’Antiquité des Musées royaux d’Art et d’Histoire, détruisant ou endommageant les dessins, plans et relevés de mosaïques mais également les moulages exécutés à Apamée ainsi qu’un certain nombre de pièces archéologiques ramenées de Syrie. Après la guerre, deux campagnes furent encore organisées. La première, en 1947, permit à Henry Lacoste de reconstituer une partie de la documentation perdue. La seconde en 1953 sous la direction de Violette Verhoogen alors conservatrice aux Musées royaux d’Art et d’Histoire, vit la réouverture de certains chantiers en vue de publications qui ne purent voir le jour : Mayence mourut en 1959 et Lacoste en 1968.
Galerie d'images
15 images -