Quartier Nord-Est
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Le « Quartier Nord-Est » (plan général, 30) désigne l’aire comprise entre la Grande Colonnade à l’Ouest, le rempart au Nord et à l’Est, et la première rue Est-Ouest de la partie orientale de la ville à partir de la Porte Nord.
Ce quartier représente un secteur important de la ville à plusieurs égards. Outre le rôle stratégique de la Tour III comme élément défensif (31), c’est également par cette tour que l’aqueduc pénètre dans la ville, après un parcours de 80 km …(balty 1987) Par ailleurs, l’exploration extensive d’un quartier entier permettait de mieux comprendre l’organisation du tissu urbain en relation avec la muraille.

Les Bains

La fouille des bains du « Quartier Nord-Est », débutée en 2003, a mis au jour un ensemble de vingt pièces, s’étendant sur une surface totale de 1200 m2 (secteurs C et D). Construit au sud de la rue bordant le rempart nord, entre les boutiques de la Grande Colonnade à l’Ouest et le complexe d’adduction d’eau de la Tour III à l’Est, ce grand édifice thermal a fonctionné du IIe au VIIe siècle, avant d’être réoccupé en habitat jusqu’au XIVe siècle de notre ère. Il s’agit du cinquième ensemble balnéaire mis au jour à Apamée, dont le plus spectaculaire est certainement celui érigé en 166-117 par L. Iulius Agrippa, deux îlots plus au sud, du même côté de la colonnade (plan général, 28).

L’édifice d’origine était constitué de six pièces voûtées. Le parcours du baigneur s’organisait autour de trois grandes salles (les salles 1 à 3), correspondant respectivement aux espaces froids, tièdes et chauds. Ces pièces centrales étaient jouxtées par une étuve circulaire (pièce 6) et par une chaufferie rectangulaire (pièce 8). Au nord de la pièce 3, les archéologues ont pu restituer une autre salle de grande taille (pièce 5), dont seul un fragment de mur est conservé pour la première phase remontant au IIe siècle. Les bains ont ensuite connu deux grandes phases de réaménagement aux IIIe et IVe siècles qui ont vu l’ajout, à l’angle nord-est du complexe, d’une pièce à vocation sans doute technique (pièce 9), la construction d’une seconde chambre de chauffe (pièce 7) ainsi que d’une grande citerne de 28 m2 (pièce 14) alimentée par un réservoir (pièce 15) et située au nord de la salle 4. Dès le Ve siècle, les espaces se rétréciront et l’activité balnéaire se concentrera désormais dans la partie occidentale de l’édifice. Les niveaux de circulation seront rehaussés et la partie nord-est des bains remblayée. A partir du VIIe siècle, le bâtiment semble avoir perdu sa fonction thermale. À cette époque, un foyer est aménagé sur la mosaïque de la salle 4 ; baignoires et bassins sont abandonnés et servent désormais de dépotoirs. Au début de l’époque islamique, un four à pain (tannur) est également installé dans la salle 3b dont le sol est rehaussé.

Après une période d’abandon, une grande partie des bains sera réoccupée de manière intensive pendant deux siècles (XIIe-XIVe siècles). Des espaces dédiés à l’habitat sont aménagés dans les pièces qui ont gardé leur couverture ainsi qu’à l’extérieur dans la partie sud du complexe. Les grandes salles des bains antiques sont morcelées et réaménagées à l’aide de matériaux de remploi et de murs de moellons, les accès d’origine sont modifiés. Des sols en terre battue sont associés à de petits fours à pain (tannurs), des silos et des foyers, souvent installés dans les angles des pièces couvertes. Des traces d’activités artisanales sont également attestées. La découverte d’une meule et d’un pilon associés à des silos permet en effet de restituer une activité liée à la transformation des céréales alors qu’un four à chaux est installé dans l’ancienne étuve.

La survivance d’un habitat durant l’époque médiévale dans ce secteur est à mettre en relation avec le rôle stratégique joué par la citadelle au cours de cette période de lutte entre musulmans et croisés. Elle témoigne ainsi de l’occupation de la ville basse à l’époque Middle-Islamic, occupation attestée par ailleurs dans d’autres zones du « Quartier Nord-Est » et de la ville (notamment dans quelques maisons du centre ville ainsi qu’au théâtre). On ne peut toutefois à ce stade restituer l’ensemble de la superficie de l’Afamya médiévale.

La palestre et ses alentours

Immédiatement au sud des bains romains, les fouilles ont mis au jour à partir de 2006, les portiques d’une grande cour qui pourrait appartenir à une palestre (secteurs G II-IV). Cette dernière est implantée à une altitude beaucoup plus élevée que les édifices qui la bordaient, à tout le moins au Nord. L’accès se faisait probablement directement depuis le portique oriental de la Grande Colonnade. De ce côté, une série d’espaces ouverts et dallés étaient aménagés entre les boutiques de la Grande Colonnade et la palestre. Au VIe siècle, un escalier monumental donnant accès au portique occidental de la palestre fut implanté dans une de ces cours dallées (A). Au nord de cette cour, se dressait un ensemble monumental, étroitement lié aux portiques de la palestre et sans doute associé aux bains. La fouille en a pour l’instant révélé sept espaces (secteur G V, espaces A-G). L’accès se faisait par le Nord depuis une cour dallée (C), qui n’a pu être dégagée dans son ensemble et qui amenait à un vestibule partiellement couvert d’un étage (B). Celui-ci distribuait au Sud sur différents espaces: un éventuel crypto-portique qui s’ouvrait sous le portique ouest (et peut-être nord de la palestre) et une cage d’escalier (F) qui donnait accès au portique occidental de la palestre et dont quatre marches de l’escalier ont été préservées. On ne connaît pas l’organisation de l’espace G à l’époque byzantine car celui-ci fut réoccupé au début de l’époque omeyyade. Trois bassins en pierre calcaire mis au jour dans cette pièce indiquent que cette dernière avait sans doute une vocation artisanale ou agricole.

Nous n’avons pas pour ce secteur d’occupation postérieure à l’époque abbasside alors que les portiques de la palestre feront l’objet d’une réoccupation à l’époque médiévale, contemporaine de celle des bains, sous la forme de petites cellules d’habitation (secteurs G I et G II).

L’édifice byzantin au sud de la palestre (secteur E)

Des sondages effectués au sud-ouest de la palestre (sur 450 m2 environ) ont permis de dégager plusieurs pièces qui appartenaient à un grand édifice dont la nature n’a pas encore pu être établie. Les structures découvertes s’organisent selon une orientation qui respecte celle des îlots urbains d’origine. Le secteur d’étude EIII-EIV est marqué par un mur qui se développe d’Ouest en Est perpendiculairement à la grande colonnade. Ce mur délimite au Nord une série de quatre pièces contiguës (pièces A, B, C, D) ouvrant toutes vers le Sud en direction d’espaces qui n’ont pas été dégagés et qui ne permettent pas, en l’état actuel des recherches, de déterminer la fonction du bâtiment. Tout porte à croire, cependant, qu’il s’agit de constructions domestiques, sans doute assez luxueuses à en juger d’après les éléments de mosaïque figurée- un médaillon avec un canard inscrit dans une trame géométrique déterminée par des entrelacs de câbles- et les nombreux fragments de placages pariétaux de marbre, d’opus sectile de pavement qui ont été découverts.
En revanche, la fouille fine et l’étude stratigraphique du bâti ont permis de préciser la séquence d’occupation du secteur. Trois phases principales - elles-mêmes subdivisées en plusieurs sous-phases - peuvent être ainsi distinguées : byzantine, islamique ancienne, et islamique médiévale. L’ensemble de l’édifice fut aménagé à l’époque byzantine, probablement dès le Ve siècle, comme l’indique le style arc-en-ciel d’une mosaïque découverte en bordure méridionale du secteur étudié. Des remaniements mineurs (subdivisions de pièces, réfections de maçonneries, aménagements et condamnation d’issues) sont intervenus à plusieurs reprises au cours de l’époque byzantine. Ce premier ensemble fut abandonné vers la fin du VIe ou au début du VIIe siècle. La moitié occidentale du secteur n’a pas été réoccupée, au contraire de la partie orientale, où les maçonneries byzantines furent en partie intégrées, aux VIIe-VIIIe siècles, à un nouvel édifice, de nature inconnue, qui s’étendait vers le Sud au-delà de la zone fouillée.

Ces premières recherches ont ainsi révélé l’existence insoupçonnée d’une occupation du secteur à l’époque médiévale (murets de pierres sèches souvent conservés sur une à deux assises seulement, four à pains - « tannurs » -, recharges de sols de terre battue indiquant une occupation relativement pérenne), que confirment les travaux menés dans le reste du « Quartier Nord-Est ».

La Tour II

Afin de mieux appréhender le lien entre la muraille et la partie septentrionale du « Quartier Nord-Est », la mission archéologique a entamé en 2006 la fouille de l’intérieur de la Tour II (secteur T). Cette tour d’environ 22 m2, située au nord des bains romains, est séparée de ceux-ci par une rue longeant le rempart à l’intérieur. La fouille a montré que la construction de la Tour II est postérieure au rempart hellénistique contre lequel elle vient s’appuyer. Six phases d’aménagement, situées entre le IVe et le XIVe siècle ont pu être identifiées. La tour semble avoir été détruite, en même temps qu’une large partie du quartier, à la fin du IVe ou au début du Ve siècle. Sa reconstruction alla de pair avec un rehaussement des niveaux de circulation en correspondance avec le reste du quartier. Suivent encore deux phases de reconstruction que l’on peut situer au VIe siècle avant une ultime occupation de la tour, comme aire de défournement en association à l’activité de chaufourniers mise en évidence sur tout le secteur.
La fouille des abords septentrionaux des bains a également montré que c’est sur l’occupation médiévale que se produisit, vers le Sud, l’effondrement de la courtine nord et de la Tour II. Cet effondrement est manifestement postérieur à l’activité des chaufourniers qui, à l’époque Middle-Islamic (à une date que nous ne pouvons malheureusement à l’heure actuelle guère préciser), ont systématiquement démonté les bocs de la courtine du rempart.

La Tour III et le complexe d’adduction d’eau

La Tour III du rempart avait déjà fait l’objet de trois campagnes de fouilles en 1992, 1997 et 1998, qui avaient permis de déterminer que c’est au niveau de la Tour III que l’aqueduc pénétrait dans la ville (plan général 31). De 2002 à 2004, des fouilles ont été reprises dans ce secteur (secteurs A et B), montrant que le tracé de l’entrée de l’aqueduc avait en ce point été remanié à plusieurs reprises. Le premier état peut être daté du milieu du Ier siècle ap. J.-C. La construction de l'aqueduc remonte en effet au règne de Claude (vers 47/48), comme nous l’apprend une inscription retrouvée non loin de la Porte Nord. Toutefois le parcours précis du circuit hydraulique au niveau de la Tour III ne nous est pas connu pour cette époque. Dans une deuxième phase, probablement consécutive au tremblement de terre de 115, l’aqueduc longeait en extérieur le flanc occidental de la tour, pour pénétrer ensuite par le rempart et être redistribué à partir d’une grande chambre de visite. Une citerne située à l’est de l’entrée de la conduite principale était également alimenté par ce flux (citerne 1, phase 2). Dans une troisième phase (phase 3), l’eau est redistribuée à partir d’une large citerne (citerne 2) sur laquelle se branche une canalisation en terre cuite orientée Nord-Sud. Une dérivation est aussi aménagée en amont de la citerne 2 pour diriger une partie du flux vers une troisième citerne (citerne 3) installée dans la Tour III, probablement au Ve siècle.
Dans une dernière phase d’aménagement (phase 4), l’arrivée de l’aqueduc se fait désormais directement dans la Tour III (citerne 3), alors qu’une canalisation interne distribuait l’eau dans la partie orientale de la ville. De cette grande canalisation en pierre, un faisceau de canalisations en terre cuite amenait l’eau vers la partie occidentale du quartier (notamment les Bains) et peut-être au-delà. Le tracé Nord-Sud de l’aqueduc interne est bien visible encore aujourd’hui sur le site. Il avait déjà été dégagé par des sondages lors des fouilles d’avant-guerre.
L’ensemble de ce secteur lié à l’adduction d’eau a été réoccupé à l’époque médiévale (XIIe-XIVe siècles) comme en témoigne un matériel céramique identique à celui mis au jour dans l’occupation middle-islamic des Bains. L’occupation, installée dans la citerne du complexe hydraulique ou à l’extérieur de ce dernier se traduit essentiellement par des fours à pains (tannurs) et des fosses détritiques qui ont par ailleurs partiellement perturbé les niveaux antiques.

La rue

Le dernier secteur d’étude du « Quartier Nord-Est » s’est intéressé à partir de 2007 à l’exploration de la deuxième rue perpendiculaire à la Grande Colonnade à partir de la Porte Nord (secteur S I à III). La fouille a permis de mettre en évidence une grande phase d’occupation de la rue datée de la période byzantine, du Ve au VIIe s. Les aménagements liés à cette occupation byzantine ont détruit les états antérieurs de la rue en son extrémité occidentale. Au début de cette phase, la rue accueille un grand collecteur d’évacuation des eaux usées. Par après, l’espace de la rue est divisé en deux parties : la moitié sud est réservée à l’installation de l’ensemble des systèmes d’adduction et d’évacuation des eaux. Tandis que la moitié nord de la rue est encore dévolue à la circulation. La rue se transforme ensuite progressivement une voie de service dans laquelle la circulation s’effectue sur des remblais posés sur les canalisations, sans plus assurer de véritable fonction viaire. Après l’époque omeyyade, la rue semble totalement désaffectée au point de disparaître du paysage urbain.
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