Les maisons
Accueil / Les fouilles  /  De 1965 à 2001  /  Les maisons
Une douzaine de maisons, dont certaines avaient déjà été très partiellement dégagées lors des campagnes d’avant-guerre, ont été fouillées entre 1965 et 2001 (voir notamment sur le plan général : Maison aux Consoles 18, Maison aux Pilastres 19, Maison des Chapiteaux à consoles 20, Maison du Cerf 21, Maison aux Colonnes trilobées 22, Maison aux Colonnes bilobées 23, Maison aux deux Péristyles 25, Maison de l’Aqueduc 26)

Ces habitations, situées essentiellement dans la partie centrale, mais aussi au nord et au sud-est de la ville datent du IIe s. ap. J.-C. et sont contemporaines du grand programme édilitaire de reconstruction de la Grande Colonnade qui fit suite au tremblement de terre de 115. Elles ont pour la plupart été occupées jusqu’à la période abbasside (Xe siècle) ou parfois jusqu’à l’époque médiévale (XIIe siècle ?). Leur longévité se manifeste, pour les phases les plus tardives, par de profonds remaniements qui rendent parfois méconnaissable le plan d’origine.

Le plan de ces maisons s’organise le plus souvent autour d’une (Maison aux Consoles, Maison aux Pilastres, Maison des Chapiteaux à consoles) ou de deux cours à péristyle (Maison du Cerf, Maison aux deux Péristyles) facilitant la circulation entre les différentes ailes du bâtiment. La Maison des Chapiteaux à consoles se distingue par un péristyle de très grande dimension (environ 1350 m2) et par la présence de deux bassins polylobés. Dans l’axe du péristyle, une ou deux pièces de grande envergure faisaient office de salle de séjour et de réception (triclinos). Ces salles étaient décorées de mosaïques à motifs géométriques, comme par exemple dans la Maison aux Pilastres ou de mosaïques à décor figuré comme dans la Maison du Cerf. Lors de la fouille, plusieurs maisons ont livré des fragments de tables en marbre en forme de sigma qui devaient orner la salle à manger. Dans le cas de la Maison du Cerf, une table en marbre blanc prenait place, de surcroît, dans l’abside d’une des salles de réception (salle F), son emplacement au sol correspondant à la forme de la mosaïque. La fouille a permis d’envisager la présence d’un étage pour quelques-unes de ces demeures, étage dont le sol pouvait également être couvert d’un pavement mosaïqué.

L’exemple de la Maison aux Consoles

La Maison aux Consoles constitue un exemple représentatif de ces riches demeures patriciennes ; les remaniements tardo-byzantins qui l’ont affectée n’ayant de surcroît pas complètement oblitéré son plan originel, contrairement à d’autres maisons apaméennes. Fouillée entre 1973 et 1978, elle se situe à l’extrémité nord d’une insula qui se trouve au nord-ouest de la cathédrale. Cet îlot comprenait sans doute à l’origine trois demeures, accessibles à partir de la petite rue qui longe également à l’ouest la cathédrale: la Maison aux Consoles, la Maison aux Pilastres et la Maison aux Graffitis arabes. La Maison aux Consoles avait fait l’objet de quelques sondages par F. Mayence en 1937, mettant au jour une cour à portiques, une grande salle rectangulaire ainsi qu’une salle annexe mais sans que la fonction de l’édifice soit alors identifiée. Le plan de l’habitation s’organise autour d’une cour à péristyle dont les colonnes furent remontées par anastylose en 1977. L’entrée (A), dont la façade monumentale a également fait l’objet d’une restauration, se faisait en chicane à partir de la rue. La cour à péristyle (C) était pourvue, à l’étage, d’une galerie sur trois de ses côtés, alors qu’à l’est le quatrième côté s’ouvrait par trois portes sur une salle de réception (D). La décoration murale de cette pièce, en opus sectile, témoigne encore de la richesse de l’édifice à l’époque byzantine, même si le marbre, le serpentin et le porphyre y sont remplacés par le calcaire, l’ardoise et des fragments de sigillées tardives réemployées. Les ailes nord et sud de la maison ont été davantage remaniées au fil du temps. Les modifications les plus importantes datent du tout début de l’époque islamique. À cette époque, plusieurs passages ont été obturés et les sols détruits. Les traces d’une activité artisanale sont visibles dans l’aile nord et le péristyle (four et meule, ou bassin).

Ces modifications tardives ont pu être observées dans la plupart des maisons fouillées (Maison aux Pilastres, Maison des Chapiteaux à consoles, Maison du Cerf). À partir du VIIe siècle, l’habitat semble se replier sur les salles autour du péristyle, abandonnant les pièces les plus éloignées de la maison. Les entrecolonnements des cours sont fermés par des murets ; les galeries obstruées par des murs de refend. Les grandes salles sont divisées en petites pièces et les axes de circulation s’en trouvent modifiés. Des puits sont creusés dans certains espaces et des dépotoirs se créent dans les salles qui ne sont plus utilisées. Des traces d’activité artisanale domestique sont désormais visibles, comme en témoigne la présence de meules ou de fours.

L’édifice au triclinos

Ce vaste ensemble architectural, qui occupe deux tiers d’un îlot, se situe à l’ouest de la cathédrale (plan général, 16). Il tire son nom de la salle de réception (A) qui abritait la mosaïque de chasse découverte en 1935, exposée aujourd’hui aux Musées royaux d’art et d’histoire de Bruxelles . Fouillé entre 1969 et 1975, l’édifice, constitué de près de 80 pièces, s’organisait autour d’un péristyle de 8 x 8 colonnes (E) sur lequel ouvraient, au nord et à l’est, trois salles d’apparat rectangulaires terminées par une abside (A-C). Deux cours secondaires (F-G), plus petites, faisaient office de puits de lumière et desservaient les autres pièces. Un bel escalier (H), dont la volée inférieure est entièrement conservée, menait aux salles de l’étage. À côté de la grande mosaïque de chasse, d’autres pavements ont été mis au jour dans cette demeure : plusieurs mosaïques géométriques mais aussi deux beaux ensembles du IVe siècle, malheureusement fragmentaires, figurant Gê, l’allégorie de la Terre, entourée des Saisons (salle J) et certains dieux et Sages de la Grèce antique (salle C). Dans une autre salle d’apparat (salle T), se trouvait la fameuse mosaïque des Amazones, mise au jour en 1967. Elle fut en partie détruite lors de son vol en 1968, mais restituée en 1974 : elle est aujourd’hui présentée au Musée archéologique d’Apamée.

Cette demeure fut, selon toute vraisemblance, aux Ve et VIe siècle ap. J.-C., la résidence du gouverneur de la province nouvellement créée de Syrie Seconde. C’est ce que semblent indiquer, en effet, l’ampleur même de cette demeure - à laquelle s’ajouta, à ce moment, un petit complexe thermal (D) - et la thématique idéologique de certaines de ses mosaïques exaltant, dans les scènes de chasse, les qualités de courage (virtus) du propriétaire.
Une intense occupation tardive a souvent oblitéré le plan primitif de l’îlot : comme pour le complexe épiscopal, une soixantaine de boutiques et ateliers d’époque omeyyade et abbasside en ont transformé tout le tiers nord en un véritable marché dont l’activité semble s’être prolongée jusqu’aux séismes du XIIe siècle.
Galerie d'images
16 images -